"En matière de haïkai, il est des choses qui ne se peuvent enseigner.
Il faut les pénétrer par soi-même."
Bashô
Il m'accompagnait
A distance
L'épouvantail.

San'in


Conseils pour écrire de 'bons' haïkus

Ces listes ne sont que des conseils. Il n'est pas impératif de vouloir les appliquer tous, d'autant que certains sont contradictoires.
Chacun définira son haïku, selon l'humeur du moment, ou l'effet recherché.
Il suffit de choisir quelques règles et de (chercher à) les appliquer. Mais la sagesse des maîtres enseigne surtout de ne pas privilégier la forme au fond : "Les formes sont faites pour que l'on s'en écarte. Et pour s'en écarter, il n'est point de recette toute faite." (Bashô).
A tel point que beaucoup d'auteurs actuels ont rejeté les règles contraignantes du haïku (mot de saison et métrique) pour ne plus se consacrer qu'à la transcription de l'instant.
L'auteur doit particulièrement être attentif : tout texte, même petit, ne fera pas un haïku si aucune sensibilité ne transparait.

L'émotion


"Le haïku, poème bref, une poignée de mots, en effleurant la surface des choses donne à sentire l'indicible profondeur de l'expérience humaine, saisie dans l'éternité de l'instant présent. Il traduit le talent du poète de saisir le merveilleux au coeur de l'ordinaire, l'absolu au coeur du relatif, le sacré au coeur du profane. Il met en évidence un détail, un échantillon du monde, qui résume le tout, signifie le tout, donne au tout sa profondeur."
Hervé Collet in 'Le maître est parti cueillir des herbes'


Le haïku est poésie, intense émotion.
Instantané du quotidien, c'est un concentré d'authenticité des choses communes de notre monde montrées simplement, sans explication, telles quelles.
C'est un ressenti suggéré, partagé.




Nombre de lignes et syllabes


"Il faut qu'il y ait dans le poème un nombre tel qu'il empèche de compter"
Paul Claudel


Le haïku est régi par des règles liées à la langue japonaise. Il semble donc difficile de vouloir adapter toutes ces règles à la langue maternelle du poète contemporain. Pour preuve, la métrique de 17 syllabes sous forme 5-7-5 est souvent transposée dans les pays anglophones sous forme 3-5-3 syllabes.

En japonais, le haïku est écrit souvent sur une seule ligne verticale. Il est possible de le transposer, en notre langue, sur une seule ligne horizontale mais cela supprime les pauses indispensables à la bonne compréhension du poème.
Il est donc habituel, dans les langues étrangères aux idéogrammes, d'écrire le haïku sur trois lignes.

L'auteur peut ainsi choisir librement sa présentation, non sans oublier qu'il est plus important d'émouvoir que d'obtenir impérativement 17 syllabes.
Toutefois Philippe Costa, dans son petit manuel, relève à juste titre "Se conformer à la contrainte mène à l'innovation littéraire et la contrainte engendre la plus grande liberté de langage. Et plus elle est sévère, plus elle est créatrice." non sans ajouter quelques lignes plus loin qu'une certaine souplesse est tolérée pour une syllabe en plus (ji amari) ou en moins (ji tarazu).


Dévoré par un chat
L'épouse du criquet
Crie son deuil.

Kikaku







Un seul souffle


"Un haïku n'a l'air de rien. Il n'est qu'un rien."
Robert Mélançon


Le haïku doit pouvoir être lu en une seule respiration.
"Le haïku est un genre concis, concret, ciblé" (Philippe Costa)


Il a perdu son chapeau
L'épouvantail
Il a perdu la face.

Buson








Une à trois images


"Rien de plus que la saisie éphémère d'un instant : prêt à être oublié, à jamais inoubliable."
Maurice Coyaud


Le haïku décrit indifféremment une, deux ou trois images, disposées dans un ordre choisi selon l'effet escompté.
Celles-ci peuvent être :

C'est notamment l'interaction des images qui fera la force du haïku.

Mais, quelque soit le nombre d'images et leur association, celles-ci doivent être suffisamment précises pour que le lecteur n'ait pas besoin de longs commentaires pour comprendre le haïku.


Dort sur le toit
Un chat errant
Pluie de printemps.

Taigi








La césure


"L'oeil écoute et la voix voit."
Paul Claudel


Celle-ci peut être marquée par un signe de ponctuation ou un mot.
Le signe (une virgule, un point-virgule ou un tiret) est de préférence placé à la fin d'une ligne, alors que le mot, dit pivot, se trouve plus souvent à l'intérieur d'un vers.


A force de contempler
Les fleurs de cerisier
Torticolis.

Sôin




Cette pause naturelle, fugace, offre au poème une puissance suggestive complémentaire.





Le mot de saison


"Composer des haïkus, c'est déchirer la surface du quotidien d'un coup de fouet, en faisant claquer la cravache des mots."
Alain Kervern


Comme son nom l'indique, c'est un mot, ou une expression, qui situe de façon explicite ou indirecte le moment de l'année.

Obligatoire en haïku classique.
Facultatif en haïku contemporain. Mais son utilisation est préférable pour ancrer le haïku dans le cycle des saisons.
Toutefois Alexey Andreyev, poète russe, remarque justement qu'un mot peut indiquer des saisons contraires selon les pays.


Pour dormir que n'ai-je
L'habit de l'épouvantail!
Le gel de minuit.

Bashô








La typographie


"L'absence (ou presque) de ponctuation est intentionnelle pour éviter de figer la lecture et tenter plutôt d'infléchir la sensibilité vers une impression, un paysage, une interprétation."
Elisabeth Suetsugu in 'Sôseki, haïkus'


Encore une fois, pas un conseil unique et incontournable, mais une liste ou l'auteur composera son 'mix' :


Me suis retourné
Mais déjà passait la belle
Là-bas sous les saules.

Issa








Le présent


"Qui veut trop dire ne dit rien."
Maurice Coyaud


Le haïku est un instantané; il décrit le présent ET s'écrit au présent.
Le participe présent peut être utilisé, même s'il est parfois moins agréable à entendre.

L'infinitif est également fort prisé.

Longue journée
Mes yeux sont fatigués
De regarder la mer

Taigi








Le style


"Limite-toi à la poésie; ne perds pas ton temps en propos futiles."
Bashô


La syntaxe doit être simple, c'est à dire :
Quant aux utilisations d'inversions (sujet-verbe) ou d'allitérations, soyez seul juge. Certains préconisent ces effets de style (d'autant qu'ils existent en japonais), d'autres non.
Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'il ne faut pas utiliser d'effet au détriment de la compréhension.
Il faut saisir l'instant, ne penser qu'à l'image.


Pour apprécier l'influence du style dans un poème, voici 4 traductions du même haïku de Yayu :
C'est en éternuant
Que j'ai perdu de vue
Mon alouette.

Eternuant
Je perds de vue
L'alouette.

J'éternue
Et perds de vue
L'alouette.

J'éternue
Perdue de vue
L'alouette.





© 2002 - dominique Chipot - textes & photos

Le haïku : le temps d'un instant
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